Apprendre une langue : avant de commencer

On peut dire que les langues sont un peu mon dada. J’aime bien apprendre les langues, les découvrir, ou en parler. Ce blog existe dans le but d’entraîner mon français et mon anglais. Sur mon CV, mes compétences de langues sont mon atout le plus fort. Nombreux sont les gens qui me félicitent pour mon niveau, pour après insister sur leur propre incompétence dans la matière. D’autres me demandent régulièrement des avis, corrections, et autres. Une idée incongrue est née ma petite tête : plutôt que de répéter souvent les mêmes choses, pourquoi ne pas faire une série de notes sur l’apprentissage de langues ? Comment je procède, à quoi faire attention, etc. Si cela peut être utile, pourquoi pas après tout !

La catégorie “la langue au chat” contiendra tous les articles sur le sujet.

Donc j’espère que cela servira à quelques personnes. N’hésitez pas à donner votre avis, des suggestions, des sujets que vous voulez voir.

Cela va être dur, mais pas impossible

Dans ce monde, il y a deux sortes de gens. Les « je ne suis plus un enfant, je ne peux plus apprendre une langue » et les « noméh c’pas difficile, X personnes la parlent au quotidien ! ». La première catégorie va abandonner à la première difficulté, et la deuxième s’étonnera que ce ne soit pas si évident malgré tout.

Alors, oui, un enfant a plus d’avantages quand il s’agit d’apprendre des langues. Son cerveau est une éponge qui engloutit tout ce qui l’entoure, et un enfant à rien d’autre à faire dans sa vie. Pas de taxes à payer, de bouche à nourrir, de travail à faire. Il peut littéralement passer ses journées à apprendre la langue qui se parle autour de lui.

En gros, l’enfant part avec un bonus de malade dans sa compétence « apprentissage de langue ». Vous, au contraire, démarrez avec moins de bonus, ou aucun, selon votre âge. Ne pas avoir de bonus ne veut pas dire « je ne peux plus apprendre de langue ». Vous n’avez pas de malus. Le monde n’est pas divisé dans deux catégories, ceux doués en langues et ceux qui ne le sont pas. On peut apprendre à apprendre une langue, comme on peut apprendre à dessiner. Les talents, en fin de compte, c’est avant tout le résultat de beaucoup de travail régulier.

Inversement, penser réussir en révisant une heure par semaine une liste de vocabulaire de trente mots, et en regardant un peu de télévision sous-titrée le soir est tombé dans l’excès inverse. Penser qu’une langue vient « naturellement » comme pour toute la population qui a grandi avec elle est illusoire : si vous habitez en France, il y a même beaucoup de chance que vous n’entendez presque jamais la langue, au contraire d’un natif qui passe vingt-quatre sur vingt-quatre entouré de sa langue depuis sa naissance.  Apprendre n’est pas que plaisir. Il y aura, dans toutes langues, des règles bizarres, compliquées et ennuyeuses. Des exceptions qui confirment la règle. Aucune langue ne viendra naturellement si vous n’y mettez pas un peu de volonté.

Attraper un livre dans une langue étrangère, peiner à lire les trois premières pages et se dire que c’est impossible, ou que, oh bizarre, c’est plus dur que prévu, on va peut-être remettre à plus tard, sont deux mentalités qui vont mener à l’échec. Ces deux catégories de personnes souffrent du même problème : au moment, où cela deviendra plus difficile, ils vont abandonner. Les uns parce qu’ils partent du principe qu’ils vont échouer, et les autres parce qu’ils réalisent qu’il faut soudainement travailler.

Il n’y a pas de miracle : les langues, ça s’entraîne à base régulière. Même maîtrisée, vous la perdez rapidement si vous ne l’entraînez pas. il y a moyen de rendre cet entraînement amusant et intéressant. C’est ce qui est cool.

Ce qui nous amène à notre point suivant. Pour être prêt à investir du temps dans quelque chose, surtout dans un domaine aussi difficile et vaste que les langues, il faut une bonne raison qui vous motive à passer des heures, des jours, ou des semaines sur les trois pages de votre livre en langue étrangère jusqu’à les comprendre.

Pourquoi voulez-vous apprendre cette langue ?

Elle a l’air idiote, mais si vous n’avez pas de raison pour commencer, les chances que vous allez échouer sont énormes. Beaucoup de personnes qui commencent à apprendre n’ont pas vraiment de raison qui les pousse à le faire. Ils vont abandonner au moment où ils réalisent l’ampleur du travail pour finalement « servir à rien », car il n’y a pas de raison pour l’apprendre pour commencer. Il va de même pour des motivations comme « ça a l’air amusant », « je vais commencer et voir si ça me plaît ». Si ce genre de motivations marchent au début, au moment où la matière commence à devenir plus complexe qu’un « Je m’appelle Jérôme. J’ai 23 ans. Je suis français. », elles risquent de ne plus être assez puissantes. Il en va de même pour les gens qui veulent apprendre le japonais « parce qu’ils aiment les mangas/animés/jeux vidéo ». Au moment où vous allez être confrontés à deux mille kanjis, il faut vraiment beaucoup aimer vos dessins animés pour investir autant de temps, au lieu de les regarder en sous-titrés/traduits. Si ce n’est pas impossible, peu de gens font partie de cette catégorie.

Les gens qui réussissent, et qui réussissent bien, sont des gens qui ont des motivations solides et en béton. « Je veux travailler/vivre dans pays X », « la famille du côté paternel vient du pays Y, je veux savoir communiquer avec eux. », « je veux lire de la littérature du pays W pas traduite », « je veux aller en vacances en pays Z, et j’aimerais pouvoir communiquer au cas où » ou que sais-je. Même un « je veux créer ma propre langue, et le japonais à l’air d’être ce que je veux pour le coté grammatical » marche très bien. En soit, peu importe la raison, du moment qu’elle vous motivera assez.

L’être humain va choisir l’option la plus facile quand il peut. Il va donc essayer de procrastiner, chercher la facilité et fuir le travail, à moins de lui donner la motivation nécessaire. Il est difficile d’apprendre une liste de vocabulaire, ou de retenir des tournures de grammaires bizarres du moment que votre cerveau n’y voit aucune raison.

Répondre à cette question aidera également à déterminer comment vous allez apprendre, sur quoi vous allez vous concentrer. Si vous avez envie de travailler dans le monde des entreprises japonaises, il n’y a pas miracle : vous devez apprendre le japonais formel coûte que coûte, même si tous les natifs du monde vous disent que ce n’est pas nécessaire, car ils ne s’en servent pas au quotidien. Mais vous voulez intégrer un milieu où il s’emploie à base régulière, donc mettre l’accent sur cette partie n’est certainement pas une mauvaise idée.

Inversement, si vous voulez juste connaître assez de japonais pour comprendre vos animés sans sous-titres, vous devez viser un autre niveau de langue et un vocabulaire différent.

Je cite le japonais, car la langue est réputée pour ses différents niveaux de politesse, mais le même schéma peut s’appliquer en français, ou en anglais. Voulez-vous simplement savoir communiquer ? Parler un français familier ira très bien. Voulez-vous intégrer des entreprises particulières ? Administration ? Écrire un poème ? Écrire une histoire ? Gagner un concours d’orthographe ? Alors parler comme le papi dans l’épicerie du coin ne vous servira que partiellement. Vous n’allez pas écrire « salut, mon pote » sur votre lettre administratif, ou parler de « couilles dans le pâté » dans votre poème. Lire la littérature de gare ou un Balzac sont deux paires de manches. Déterminer dans quelle direction vous voulez aller aide à proportionner la matière à apprendre. Ce qui ne servira pas tout de suite peut être appris plus tard.

Une langue s’apprend à différents niveaux

Une autre chose qui peut paraître évidente, mais qui ne l’est pas pour tout le monde. « Apprendre une langue » n’est pas une compétence. Apprendre une langue réunit diverses compétences :

  • Lire
  • Comprendre à l’oral
  • Parler
  • Ecrire

Vous pouvez très bien lire une langue sans la comprendre à l’oral, savoir parler ou savoir écrire. Il s’agit de compétences indépendantes, même si écrire et parler nécessite une base des deux autres. Vous allez débloquer « parler » sur votre arborescence de compétence si votre « compréhension orale » a atteint un certain niveau, et il va de même pour écrire qui se débloquera quand vous savez lire à un certain niveau. Et il n’en faut pas beaucoup.

Il est important de réaliser que ces différentes compétences s’entraînent chacune à part. Savoir écrire ne veut pas dire savoir lire couramment. Savoir lire couramment et écrire correctement ne veut pas dire comprendre quelqu’un à oral, ou savoir parler. Ce qui ne veut pas dire que vous avez échoué si une de ces compétences est à la traîne. Répétez en chœur : vous n’êtes pas nul en langue, un échec, ou un cas désespéré si vous peinez. Surtout à l’oral qui doit être la compétence la plus difficile dans beaucoup de langues. C’est normal.

Réaliser qu’une langue se divise en différentes parties, aide à diviser le travail. Vous n’allez pas faire la même chose si vous mettez l’accent sur l’oral, ou sur l’écrit. Voulez-vous avoir des correspondants partout dans le monde et échanger des lettres et courriels ? Dans ce cas, peu importe si vous n’arrivez pas à suivre les nouvelles qui passent à la télévision. Vous voulez passer vos vacances en discutant avec les gens du coin, savoir demander votre chemin, etc. ? Il n’est pas important de s’encombrer avec des règles d’écritures pointues, et des exceptions bizarres.

Apprendre une langue est un travail titanesque : réussir à le séparer en des petits bouts viables vous fera du bien au moral.

Ne pas avoir peur de faire des erreurs

Le nombre de gens qui n’osent pas lever la voix ou rendre un devoir par peur de faire des fautes ou des erreurs, est hallucinant. Il n’y a rien de plus naturel. C’est même très évident : si vous apprenez quelque chose de nouveau, vous allez vous tromper. C’est normal. Si vous ne faites pas d’erreur, il n’y avait rien à apprendre.

Pour maîtriser quelque chose, il faut d’abord passer par la case de l’erreur pour apprendre de cette erreur et continuer. Là aussi, le nombre de gens qui pleurent et abandonnent, car ils se trompent est énorme. Il n’y a aucune raison de parler et écrire impeccablement une langue alors que vous êtes en train de l’apprendre. Personne ne vous demande à douze ans de maîtriser à la perfection les sujets du bac avec au moins un 19/20 à la clef.

Au contraire : si vous faites des erreurs, vous êtes sur le bon chemin.

Dans les langues, il y a ce petit moment débutant où ça semble facile et où on ne fait pas beaucoup d’erreurs, car la matière n’est ni dense, ni énorme, ni bizarre. C’est le stade « bonjour, je m’appelle Jérôme. J’ai 23 ans. Je suis français. Je parle très bien !”. Ce genre de petites phrases d’introduction ne nécessitent pas beaucoup de connaissances. Au début, peu de matière s’est accumulée. Puis, trois mois après, il y a plus de matière. Il faut se rappeler du début, et il y a soudainement cette conjugaison bizarre, et cette règle d’orthographe un peu étrange, et il faut se rappeler des déclinaisons en allemand, et oh mon dieu, tant de choses, et on a du retard sur le vocabulaire, et quand on essaie de parler on se trompe quand même, et rah. Soudainement, vous faites des fautes, alors qu’avant il n’y avait pas de souci. C’est normal. Il y a bien plus de matière à faire des erreurs. Donc vous en faites plus.

Faites des erreurs. Dès le début. Tirez-en les bonnes conclusions, et vous allez vous améliorer à vitesse de lumière.

Ne le faites pas, et la matière deviendra de plus en plus compliquée alors que vous n’avez toujours pas bien retenu vos bases, car vous avez préféré fermer vos yeux sur vos erreurs plutôt que de les affronter. Et soudainement, le tout semble insurmontable, et l’option de simplement se poser devant la télé et de regarder les Simpsons en rentrant du travail devient tellement plus alléchant.

Il faut forger pour devenir forgeron. Tout le monde le dit, et la plupart l’oublient quand ils sont dans le cas. Ne l’oubliez pas et tout ira bien.


Ceci conclut notre petite excursion. Pour résumer, ce n’est pas bien sorcier :

Apprendre une langue est difficile, mais pas impossible. Savoir pourquoi vous le faites vous avancera d’un grand pas, et vous aidera à proportionner le travail, en petits bouts viables. Si maintenant, vous êtes prêts à fournir le travail nécessaire, le succès est à portée de votre main ! Mais que faut-il faire pour travailler efficacement ? Comment garder la motivation ? Ne pas pleurer devant une liste de vocabulaire qui semble insurmontable ? Hé bien, nous allons voir tout ça plus tard.

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